Condat décrit par Marie Roquetanière en 1985


Au point de jonction de l’ Artense au Nord, du Cézallier à l’est, des Monts de Cantal au Sud, et aux confins de la Haute et Basse Auvergne, le bassin de Condat séduit le visiteur par le charme de son site. En revanche le bourg lui même n’offre à sa curiosité aucun vestige historique. 
Eh non, nous n’avons pas notre église romane, 
Ni château du quinzième, pas de porte armoriée 
Ni fenêtres à meneaux par le temps oublié 
Ni restes de remparts et autre barbacane. 
Certes l’histoire de Condat reste liée à celle de l’abbaye de Feniers dont les ruines, toutes proches, témoignent encore de l’œuvre accomplie par les moines durant six siècles : une longue page du passé de notre région pue nous évoquerons plus loin. Survolant rapidement les siècles, voici quelques notes sur l’histoire de Condat et sa région. 

D'après Jean-Baptiste de Ribier du Châtelet l’origine du bourg paraît remonter à une époque reculée. Au 8ème siècle,un petit village existe déjà à cet endroit. Un bassin au micro-climat relativement favorable ou viennent se rejoindre 3 rivières importantes : La Clamouze ou Rhue de Condat, le Bonjon et la Santoire. Cette situation géographique expliquerait l’origine du nom CONDAT (du celtique « Condate » qui signifie confluent). 

Le pays appartient longtemps à deux grandes familles : les Mercoeur qui possédaient la rive gauche de la Rhue et les Latour dont les possessions s’étendaient sur le rive droite. 

Deux puissantes familles qui contribuèrent à la fondation de Feniers en 1173 et la dotèrent richement. 
Jean de Latour fut le premier abbé de Féniers. De cette illustre famille est issue Catherine de Médicis fille de Madeleine de la Tour d’Auvergne et de Laurent II de Médicis . Si on a appelé Catherine de Médicis l’italienne on a oublié qu’elle était autant Auvergnate que Florentine. 

Un acte dressé par Jarrigha, notaire public en 1386, mentionne une forteresse dressée au lieu dit « Condat » sur les terres du seigneur de la Tour. Certains auteurs situent cette forteresse à l’emplacement de la maison Savignat (école primaire), d’autres au bord du ravin au fond duquel coule le ruisseau de Montboudif. Un gibet rappelait aux serfs et manants la haute main des seigneurs de Latour. 

L’église actuelle est récente. De l’édifice ancien, rasé il y a à peine plus d’un siècle, nous savons qu’il avait la forme d’une croix latine mais à une seule nef, un portail d’une belle architecture gothique en ogive trilobée. Cette église dédiée à Saint-Nazaire fut reconstruite en 1321 avec les matériaux de l’église de Notre Dame de Vassivières qui avait été ruinée. L’Évêque de Clermont, Bernard de Latour, autorisa le chapitre cathédral à donner les pierres et ordonna de prendre le bois nécessaire dans les forêts de l’abbaye de Feniers. Dévastée par las Huguenots, elle fut restaurée en 1579. Un ancien plan de Condat montre l’emplacement de la vielle église sur lequel est édifiée l’actuelle, et son orientation Est-Ouest alors que l’édifice actuel est orienté Nord-Sud, l’architecte ayant jugé nécessaire de changer l’axe du Nord au Sud pour construire, disait-il, une église « grande, solide, convenable ». 
Un incendie détruisit le bourg en 1637, n’épargnant que l’église et 6 ou 7 maisons. Tout laisse à penser que les maisons étaient alors couvertes en chaume. Deux siècles plus tard, un journaliste et homme politique Aurillacois, Gabriel Charmes, écrivait en parlant de Condat lors d’une visite qu’il y fit en 1881, « Le village ne ressemble en rien aux villages pauvres sales et triste que l’on rencontre trop souvent dans le centre de la France. L’or des étrangers l’a enrichi, le chaume y a complètement disparu… » Il ajoute « on refait en ce moment l’église qui tombait de vétusté. Lorsqu’elle sera achevée ce sera un monument d’un goût très heureux » (Une excursion dans le Cantal - 26 juillet 1881- Feuilleton du journal des débats). 
Laissons au visiteur le soin d’en juger. Quoi qu’il en soit,c’est un édifice sans grand caractère. On y remarque une chasse de Sainte Blandine, plus exactement d’une jeune chrétienne dont les restes ont été rapportés d’une catacombe romaine par la Marquise de Castellane, petite nièce de Talleyrand. L’un des vitraux représente la chapelle et la vierge de Feniers , un autre celle de La Borie d’ Estaules. 
La reconstruction de l’église d’une part, l’achat et l’aménagement d’une nouvelle maison d’école de garçons d’autre part, autant de travaux dans lesquels la commune se trouve engagée en 1880. Le devis de l’église s’élève à 90 000 F, montant couvert à 80 % par souscription, legs et participation de la commune. Elle vient d’acquérir pour 30 000 F la maison Savignat pour y installer la nouvelle école de garçons. C’est la partie centrale du groupe scolaire de l’école primaire, puis elle achète le terrain à l’Ouest pour y construire une école de filles. Les travaux sont terminés en 1886. En 1921, une classe de l’école des filles est transformée en cours complémentaire et en 1925 est créé un cours complémentaire annexe à l’école des garçons. Notons en passant que ces deux cours complémentaires recrutaient une population scolaire importante issue de familles modestes à une époque ou n’existaient ni le collège unique ni la carte scolaire. 
Chef-lieu de canton crée par la révolution, Condat ne l’est redevenu que le 4 juillet 1906. Du 17 février 1800 au 4 juillet 1906 le chef-lieu de canton est Marcenat. Créé par la révolution, la commune de Condat était très étendue puisqu’elle englobait des domaines considérables provenant de l’abbaye de Féniers et s’étendant sur les territoires des communes actuelles de Chanterelle et de Montboudif. Ce territoire fut démembré en 1847 par la création de la commune de Chanterelle puis en 1865 par celle de Montboudif. En quelque sorte l’opération inverse des actuels fusions ou regroupement de communes. 
Vers 1835 apparaissent les premiers sujets de division. La question des édifices religieux joue un rôle en favorisant l’établissement d’une succursale autour d’une chapelle ou église déjà existante. Ce fut le cas pour Chanterelle. On pensa d’abord à La borie d’Estaules qui possédait une chapelle en bon état. L’église de Chanterelle assez grande avait besoin de réparation, la tribune s’était écroulée en 1835, provoquant la mort de Marie Colandre, épouse Dalmas.
Après débats et enquête la succursale de Chanterelle fut séparée de la paroisse de Condat par ordonnance royale du 29 juin 1841, premier pas vers l’indépendance de la commune accordée par exécution de la loi du 11 juin 1847.
La succursale de Montboudif fut créé par ordonnance royale du 7 août 1847. La séparation de Condat fut des plus facile, le conseil municipal très favorable reconnaissait « avoir un territoire trop étendu pour un pays de montagne couvert de neige en partie de l’année et dont les voies de communication présentent de sérieuses difficultés surtout en hiver ». Par décret impérial du 5 août 1865 , Montboudif est érigé en commune. L’extraction de ces deux communes fait passer la population de Condat de 4009 habitants en 1846 à 2404 habitants en 1866.
Au début du siècle la commune comptait 2700 habitants, (1500 aujourd’hui) c’était l’époque ou le chemin de fer pénétrant dans nos campagnes y apportait la vie. Échappant à une autarcie séculaire, les bourgs et les villes desservis par le rail profitèrent de ce moyen de circulation et d’échange. Dès 1879 on parle de l’ouverture d’une ligne Bort-Neussargues. Plusieurs projets sont à l’étude. Celui dont le tracé emprunte la vallée de la Rhue en desservant Condat et Champs a bien failli être adopté. Sous prétexte que ce tracé traversait une région pauvre et peu peuplée, on mit à l’étude un autre projet qui l’emporta en 1895. Cette ligne coupait les vallées, passait à Riom et laissait Condat à 7 Km. Inaugurée en 1908 par le Ministre Barthou, elle devait contribuer à l’essor de Riom dont l’importance éclipsa celle de sa voisine moins favorisée. Une des particularités de cette ligne était de desservir le pays des marchands de toile, en un temps ou les voitures étaient rares et encore qu’ils en fussent les premiers usagers, nombreux étaient, à Condat, ceux qui allaient vendre la toile en Normandie, en Languedoc, dans l’Est, en Bretagne.
Du colporteur de jadis, au négociant voyageur d'aujourd’hui, on trouve toute les nuances d’un commerce très particulier à la région. Un vocable continue à les désigner : celui de « marchands de toiles » même si ces « voyageurs » s’adaptant aux besoins nouveaux de sa clientèle n’offre plus seulement de la toile mais aussi des meubles, des appareils ménagers. Il a connu son âge d’or, celui des années 20 ou 30, en témoignent ces villas cossues. L’opulence drainée vers cette « Terre Sainte » terre bénie dont il rêve, il y revient fortune faite car ainsi que le note Raymond Cortat « ces roulants ne s’expatrient que pour mieux s’enraciner ». Le négociant voyageur d’aujourd’hui est à lui seul une entreprise ayant un véritable portefeuille de clients particuliers. Nous voici bien loin du « colleur » dont les supercheries et les mystifications seraient dignes d’un recueil à la façon des histoires marseillaises. La profession a maintenant ses statuts, une formule d’achat collectif. A la foire de Bort, le négociant visite les exposants fait son choix qu’il arrêtera peut-être lors du passage du représentant à son domicile. Quelques jeunes seulement assurent la relève, bien formés à l’école d’aînés expérimentés. Migrant saisonnier, le marchant de toile revient au pays pour se retirer définitivement.
Le mouvement de population inverse, immigrants installés à Condat est plus rare mais mérite d’être signalé. C’est le cas de plusieurs maçons originaires de Corrèze implantés définitivement ici. Le cas aussi du fondateur de la fromagerie de Condat Mr Franz Wälchli né à Wynigen (canton de Berne) le 26 octobre 1897, il quitte sa suisse natale en 1924. (On retrouve d’autres de ses compatriotes, comme Robert Gobalet, à la tête de plusieurs laiteries dans la région). D’abord ouvrier laitier à l’Auvergne-Laitière de Riom , il se fixe à Condat, y fait souche et se lance dans l’aventure avec son ami Gobalet en rachetant en 1928 la laiterie de Marvaud installée par un autre Suisse, Alfred Kühni en 1925. Il s’adapte au goût de sa clientèle qui boudait le gruyère et se met à la fabrication des spécialités d’Auvergne en particulier du Saint-nectaire. En 1931, Franz Wächli installe une laiterie à Condat, place basse, et aujourd’hui le fils poursuit l’œuvre du père. Avec ses 25 employés la fromagerie Wälchli est la seule entreprise à caractère industriel, dans une usine modernisée, près de 10 millions de litres de lait sont transformés en 900 tonnes de Saint-Nectaire et 100 tonnes de Fourme. Cette entreprise , avec le collège et l’hôpital, maintiennent quelques emplois.
En une dizaine d’années, les trois écoles de hameaux se sont fermées. Condat comptait, il y a 20 ans, une douzaine d’épiceries contre 3 aujourd’hui, 16 foires dans l’année, (à la foire d’avril 1951, le service vétérinaire à recensé plus de 1600 bovins), elles sont presque inexistante aujourd’hui. 
En revanche, des équipements neufs ont modernisé notre petite cité : un collège de 180 élèves transféré en 1968 dans des locaux modernes et fonctionnel, un hôpital rural de 100 lits, une cité de foyer cantalien, une cité HLM, des lotissements récents et en voie d’aménagement, les terrains de camping et des gîtes ruraux pour accueillir des touristes, une succursale prospère du crédit agricole.
Pour clore ce petit aperçu historique, j’évoquerai le nom des personnalités marquantes de notre terroir. 
Tout d'abord la plus illustre, Georges Pompidou dont l’accession à la magistrature suprême (si l’on peut dire) tire de l’ombre le petit village de Montboudif ou il naquit en 1911 de parents instituteurs issus eux même d’une double lignée de paysans et de marchands de toile. Sa maison natale et la statue érigée à sa mémoire devant la maison d’école de Montboudif gardent le souvenir de cet illustre enfant du pays.
Tombé devant Verdun en 1916, le poète Léon Boyer était né à Marchastel. Auteur d’un recueil « genets et rocailles » sa mort prématurée à 33 ans ne lui a pas permis de donner sa mesure mais, rapporte Camille Gandhilhon Gens d’Armes, « Le nom de Léon Boyer figure au panthéon de Paris sur les plaques de bronze ou sont inscrits pour des siècles les noms des écrivains d’élite morts pour la France. »
Léon Gerbe, c’est l’écrivain de l’ Artense, un pays âpre « mystérieuse contrée au visage farouche » selon Raymond Cortat. Pays de charbonniers, faux monnayeurs et faux sauniers qui sert de cadre aux romans « Hurlande le rebelle », « Amblard de la solitude », ces réfractaires de Léon Gerbe, originaire d’une vielle famille d’ Embort, cet écrivain s’est éteint l’année dernière dans la Sarthe.
Ne quittons pas le domaine de la poésie et de la littérature. Elle aussi y a conquis sa place, Elle c’est Marie Méraville, enfant de Condat elle a vu le jour au hameau de Garret. Enseignante à Saint-Flour, elle collabore à des revues littéraires, fait connaissance avec Henri Pourrat et Marcel Aymé, publie contes, romans, nouvelles. En 1959 le prix des volcans couronne l’ensemble de son œuvre. Son ouvrage le plus connu « Le coffre à sel », « véritable poème de la paysannerie », publié en 1941 a été réédité en 1964 avec des illustrations d’Albert Monier son compatriote.
Né à Savignat de Chanterelle, Albert Monier a lui aussi illustré sa petite patrie, illustré aux deux sens du terme : ses 80 millions de cartes postales on fait le tour du monde dont la plus célèbre, la fameuse poignée de main prise pour emblème par la Croix Rouge à l’occasion de son centenaire.
Le professeur Étienne Chabrol, éminent spécialiste des maladies du foie, joignait à sa formation scientifique une culture philosophique et humaniste. Il avait ouvert ses locaux de Condat à un préventorium géré par la Sécurité Sociale de Paris. Cet établissement a été fermé en 1962.
L’Auvergne, a dit Alexandre Vialatte, produit des ministres, des fromages et des volcans, Condat peut reprendre ce mot à son compte (aux volcans près, mais ils sont à sa porte).
C’est un petit coin d’Auvergne ayant son originalité géographique et humaine dont l’histoire certainement ancienne a laissé peu de traces sur son sol. Ses hommes ont du chercher ailleurs des ressources qu’un sol ingrat ne leur procure pas. Les particularismes locaux y sont gommés (ou estompés) par le voyage des marchands de toile chez qui, dit Raymond Cortat, l’auvergnat s’embrume de breton, s’ensoleille de verve méridionale, se pénètre de froideur lorraine sans cesser au fond de rester lui-même.

Texte écrit en 1985 par Madame Marie Roquetanière née Douhet
Née le 29 mars 1921 à Marchastel, Cantal - Décédée le 4 juillet 2020 à Condat, Cantal