La Motte Féodale du POULAINVILLE (Jean Ortoli - oct 2021)

LA MOTTE FÉODALE DU POULAINVILLE

Situé sur la partie nord de la commune de Condat, et facilement accessible par la route de Montboudif, le lieu-dit « le Poulainville » est le point de départ d’une belle randonnée qui mérite d'être connue; mais il présente par ailleurs un intérêt majeur d’un point de vue historique et archéologique : il abrite en effet une « motte féodale (qui m’a été signalée, il y a quelques années, par la Direction départementale des Affaires Culturelles du Cantal ) - Voici donc, succinctement, un rappel historique (1) puis quelques mots d'archéologie locale (2) -

I - Un peu d'Histoire

En premier lieu : comment peut-on définir une «motte féodale», appelée également «motte castrale» ?
Il s'agit d'un dispositif de défense caractéristique du Haut Moyen-Age (époque carolingienne : IX°- Xl° siècles), essentiellement répandu dans la partie ouest de l’Europe (France, Pays de Galles, Angleterre..), qui se présente sous la forme d'une butte, ou tertre de terre, fortifiée, placée sous l’autorité d’un seigneur féodal ou de son vassal.
De forme plutôt tronconique, entourée d'un fossé et de palissades, la butte est soit naturelle (du moins en partie), soit artificielle, faite de main d’homme dans les pays de plaine. Sur la butte s’élève une construction en bois, château ou simple tour de guet, avec une mission de surveillance et de défense. En général située dans un enclos lui-même entouré d’un fossé et d'une palissade, la butte domine cet espace appelé basse-cour : en cas de menace extérieure, les populations les plus proches se réfugient dans la basse-cour, défendue par des hommes d’armes. La dimension des mottes varie d’un site à l’autre, de 20 à 100m de diamètre et de 5à 20m de hauteur.
A compter du Xll° siècle, certaines de ces mottes, situées à des points stratégiques du territoire capétien, recevront une construction de pierre (tour, fort, château fort,...). Dans la longue série des systèmes de défense qui va de l'Antiquité aux temps modernes, la motte féodale succède à l’oppidum gaulois (par exemple : Gergovie et Alésia) et au castrum gallo-romain, et précède, nous l’avons vu, les châteaux forts. A ce jour, en France, on compte environ 340 mottes féodales : une des plus célèbres est celle de Gisors, dans l'Eure. En Auvergne, la superbe « tour Colombine », commune de Molèdes (XII°- XIIl° s), assez proche de Condat, mérite une visite, sans oublier la motte de Brion, commune de Compains, qui conserve les vestiges du château féodal.

II - Quelques mots d'archéologie locale

Revenons donc au Poulainville (dont le nom, assez récent, n’a aucun rapport avec la féodalité). Dès l’époque gauloise, et pendant la « Paix romaine », le bourg de Condat était proche du confluent des trois rivières, qui était aussi un carrefour de voies de circulation : en langue gauloise (celte), le mot condate se traduit d’ailleurs par confluent. Tout change en revanche à la chute de l'Empire Romain d’Occident (fin du V° s.) : les invasions et menaces d'invasions vont désorganiser la société et conduire la population à se réfugier, en cas d’alerte, dans la basse-cour qui, au Poulainville, devait se situer en aval de la motte, face à la vallée. On peut donc supposer que la première implantation de Condat était celle de l’actuel quartier de la Place-basse.
La motte du Poulainville était sans doute la plus importante, mais ce n’était pas la seule. D’autres positions défensives contribuaient à protéger le bourg; l’une est encore visible aujourd’hui, au lieu-dit « le Chastelet » (la toponymie est ici au rendez-vous). Il est possible d'y accéder par l’itinéraire suivant : prendre la route du Moulin, environ 4km plus loin, à gauche, direction La Giraude ; à la hauteur de cette ferme, prendre à droite la route forestière (carrossable) : à son terme, on se trouve devant un promontoire où se situe la motte. La suite du trajet se fait à pied : après avoir franchi une minette, on accède à un ancien chemin qui descend, à gauche, vers la rivière (la Rhue) et monte, à droite, jusqu'à la motte du Chastelet (carte ci-dessous). La motte est à la hauteur du hameau de La Chapelle (la Borie d'Estaule), sur l'autre rive de la Rhue. De dimensions plus réduites que celle du Poulainville, on peut supposer qu'elle était coiffée d'une tour de guet permettant la surveillance de la vallée de la Rhue, (pour nous : route de Clermont) au nord de Condat.
Du côté est, la surveillance était assurée par un fortin (œuvre des moines au XIII° s, ou antérieure ?) situé à proximité de l’abbaye de Féniers, et dont il subsiste des vestiges.
Reste le sud sud-ouest de Condat (pour nous : direction Riom et Bort): la motte du Poulainville était bien placée pour surveiller ce secteur, par ailleurs protégé naturellement par la forêt et les gorges inhospitalières de la Grande Rhue.

Cette très succincte présentation mérite précisions et compléments. Seule une expertise archéologique des Services compétents pourrait nous éclairer ; mais dans l'attente d'une prochaine mouture mieux documentée, n'hésitez pas, chers amis lecteurs, à me faire part de vos observations.

Jean Ortoli (octobre 2021)

Poulainville